SECONDE MIXTAPE DE L'ESPOIR - Marseille place forte du rap en France? En tout cas pour moi avec L'Esquisse Vol. 2 Oui! On sort des sentiers battus dû à la variété des styles musicaux proposés tout au long de ses 20 nouveaux tracks. On a droit à des instru rock, reggae, drum'n'bass et une ballade à la Tryo avec toujours autant de succès. Pas de battage médiatique pour vendre, quand c'est trop bon rien ne vos le bouche à oreilles! Avec l'Esquisse volume 2 Keny Arkana confirme définitivement qu'elle est le côté engagé et revendicatif qu'il manque sur la scène Hip Hop actuelle.
INTERVIEW - Son franc-parler en bandoulière, la rappeuse marseillaise remet le pied à l'étrier avec L'Esquisse 2. Objectif 2012 pour Keny Arkana avec la sortie d'un nouvel album qui s'annonce orageux. (Source : L'EXPRESS)
Buenos Dias, le premier titre de L'Esquisse 2, commence par "Quoi de neuf depuis la dernière fois?". On vous retourne la question: Quoi de neuf depuis L'Esquisse, sortie en 2005? Qu'est-ce qui a changé pour vous?
J'ai fait des disques, des tournées. J'ai constaté que mon message résonnait chez certaines personnes. J'avais rapidement enchaîné L'Esquisse, Entre ciment et belle étoile et Désobéissance civile. J'avais besoin de faire un break. L'Equisse 2, c'est quelque chose d'assez instinctif, qui permet de revenir tranquillement, sans que cela soit très lourd au niveau de la promotion et des concerts.
Où étiez-vous passé pendant tout ce temps?
J'ai voyagé en Amérique du Sud. J'ai suivi des projets en France. Trois ans, ça passe vite. Même si on ne m'a pas entendu j'ai continué à écrire des textes, à faire des morceaux.
Vous êtes toujours en colère ?
J'ai grandi depuis L'Esquisse. Ma réflexion s'est affinée. Elle est moins brute. La rage est toujours présente, mais elle part moins dans tous les sens. Peut-être qu'il y a plus de spiritualité en moi qu'à l'époque, moins de destruction. Quand j'ai commencé, j'abordais des sujets rarement exprimés dans la musique en France. Je ne savais pas trop si les gens allaient me comprendre. C'était une prise de risque pour moi de me livrer autant.
On vous sent de plus en plus radicale?
L'Esquisse 2, c'est juste une esquisse. L'album que je prépare contiendra des sujets plus profonds, plus de matière à réflexion. J'imagine qu'on va vouloir me lapider sur certains sujets. Certains vont peut-être être choqués. Pour moi, un artiste a des responsabilités, doit soulever les sujets tabous.
Par exemple ?
Je n'ai pas envie d'en parler maintenant. Mais je pense qu'à la sortie de l'album [NDLR : Tout tourne autour du soleil, prévu pour début 2012] je vais devoir donner des interviews pour expliquer certains sujets. Est-ce que je suis plus radicale ? Disons, que j'ai la même vision du monde et que les choses empirent.
Les mois qui précédent une élection présidentielle sont propices aux débats. Votre album arrivera au bon moment.
J'ai jamais calculé les sorties de disques par rapport aux élections. Aujourd'hui, on ne vote plus pour des politiciens, on vote pour des businessmen. Ils ne vont pas changer l'état du monde puisque c'est eux qui en profitent. Je n'ai pas trop d'illusion par rapport à la voie électorale et aux changements par les institutions.
Irez-vous voter?
Je ne crois pas. En 2002, je venais d'avoir 18 ans, j'ai voté. J'étais la seule dans mon entourage. Je leur disais : "Il faut voter, des gens sont morts pour ça". En 2007, je n'ai pas voté exactement pour les mêmes raisons. Je n'avais pas envie de cautionner cette mascarade. On a toujours le choix entre la peste et le choléra. Ce n'est pas mon idée de la démocratie. Je préfère mettre mon énergie dans des projets locaux et développer des alternatives. Attention, je ne dis pas aux gens de ne plus aller voter. C'est juste que ma conscience n'a plus envie de participer.
Quels genres d'initiatives menez-vous ?
Je suis pour une réappropriation de la terre. Je pense qu'il faut recréer une autonomie alimentaire. La menace de demain c'est la main mise des graines par des sociétés comme Monsanto. Il est important de se réapproprier l'espace, de pouvoir créer des villages qui nous ressemblent, avec des habitats alternatifs. Il faut pouvoir établir des microsociétés qui fonctionnent comme elles en ont envie et qui peuvent s'organiser en réseaux. En Amérique du Sud, j'ai vu des jeunes qui mettaient en commun leurs économies pour pouvoir s'acheter un terrain et vivre de manière autonome, simplement.
Quelles sont les personnalités qui vous inspirent?
Pierre Rabhi et les nouvelles manières de cultiver. Il pourrait faire pousser du riz sur la banquise.
Et sur le plan politique, à qui pourriez-vous vous rallier?
Le seul en qui je peux me reconnaître, c'est Evo Morales, le président de la Bolivie qui a créé la déclaration des droits de la Terre Mère. En France, il n'y a pas grand monde.
Dans le dernier morceau de L'Esquisse 2, Odyssée d'une incomprise, vous dîtes que "la connaissance est une arme". Comment nourrissez-vous vos connaissances ?
J'ai plus appris à travers les voyages et les rencontres que dans les livres. Je crois que le premier livre que j'ai lu c'était en 2008! Plus jeune, je voulais apprendre à "être". A l'école on nous apprend seulement à "avoir", avoir des bonnes notes, avoir un travail... On nous empêche de penser par nous même. Mes meilleurs enseignants, ce sont mes erreurs.
Vous êtes parti en tournée avec Manu Chao, qui participe à un titre sur L'Esquisse 2. Qu'avez-vous appris à ses côtés ?
J'ai appris avec lui que l'on pouvait garder la passion même après trente ans passés dans l'industrie musicale. Combien ne font plus ce métier que pour gagner de l'argent ? Lui, il vibre toujours, joue pendant trois heures, parle avec les gens.
Et vous, où puisez-vous votre énergie ?
Je suis tombée tellement jeune dans la musique. Cela fait partie de moi. Même si j'arrête la musique, je continuerai à écrire des textes. Juste pour moi.
Vous dites dans Une décennie d'un siècle "Ça fait dix piges que le rap part en vrille" ?
Il y a aujourd'hui d'un côté le rap game, l'égo, le bling bling, et de l'autre le hip hop, l'esprit old school, le partage. C'est ça le rap, c'est de l'alchimie, on fait de l'or avec des briques.
Quel regard portez-vous sur le Printemps arabe, le mouvement des jeunes Espagnols en Espagne ?
Il n'y a pas d'avenir. Ni social, ni écologique, ni politique, ni humain. Au bout d'un moment on fait quoi? On subit? On se voile la face? C'est vrai que c'est facile de se voiler la face, il y a des écrans et des néons partout. Mais la réalité du monde, ce n'est pas ça. La réalité, c'est que la planète est en train de crever et qu'on a de moins en moins de liberté. Qui sème la frustration récolte l'ouragan. Est-ce que cela peut arriver en France ? Le problème c'est qu'on est très divisé. Ici, on a plus un potentiel pour la guerre civile que pour la révolution. Le pays est traversé par des fractures. Les étudiants, les mecs des quartiers, les sans papiers forment des mouvements qui ne se rejoignent pas.
Le ton de vos chansons est souvent dur. Qu'est ce qui vous fait rire et sourire dans la vie ?
Je suis ému par les actes de solidarité. Franchement, l'humain il est beau, il a un potentiel de fou. La vie, elle est belle.
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